Le management est en crise. Et le constat ne date pas d’hier. Voilà près de dix ans que sociologues, psychologues et autres spécialistes de la gestion alertent de la dégradation continue de la condition managériale. Un malaise qui transparaît aujourd’hui dans les enquêtes consacrées à la fonction. « Plus personne, ou presque, n’aspire à devenir manager ! » annonçait en 2017 Le Figaro, relayant les résultats d’un sondage BVA-Audencia. Un an plus tard, une étude de l’Observatoire Cegos confirmait que 66 % des salariés refusaient de devenir managers. Et selon OpionWay, 27 % des cadres de 35 à 49 ans ne veulent plus aujourd’hui encadrer d’équipe.
Les causes de ce désengagement ont déjà été largement documentées : stress, sursollicitations, accumulation de responsabilités, manque d’autonomie et de moyens auxquels vient s’ajouter le sentiment d’être en permanence pris entre le marteau et l’enclume. Plus fondamentalement, le désarroi des managers serait avant tout l’expression d’un modèle à bout de souffle ou plutôt, comme l’explique Brigitte Nivet, professeure à l’ESC-Clermont, d’une superposition de modèles contradictoires. Et au bout du compte, insoutenables ! On demande aux managers d’être tour à tour – et souvent dans la même journée - des gestionnaires consciencieux, des leaders inspirants et plus récemment des coachs bienveillants capables de faire grandir leurs équipes tout en veillant à leur bien-être. Face à autant d’injonctions, on comprend la crise des vocations pour une fonction qui prend désormais des allures de véritable sacerdoce.
Loin de remettre en cause cette fuite en avant, la crise sanitaire et l’avènement du travail hybride n’ont fait qu’accentuer cette hyper-responsabilisation. Les nombreux accords et chartes récemment signés pour encadrer le télétravail font une fois de plus du manager le garant du collectif de travail, de la collaboration à distance et, cela va de soi, de la performance des équipes (lire notre article page 36). Cet appel permanent au pouvoir héroïque du management pour transformer l’entreprise ressemble de plus en plus à une forme de pensée magique. Il peine en tout cas à dissimuler un déficit de pensée sur le travail réel, son contenu et son organisation. Une telle réflexion aurait été salutaire. Faute de candidats à la fonction, elle sera probablement demain inévitable.
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